L’administration des Postes n’est pas prête pour un tel conflit. Rapidement, le courrier s’entasse dans les dépôts et les cours des casernes, les familles angoissées sont sans nouvelles du père, du frère ou du fils parti au front alors que l’on sait progressivement que les pertes humaines des premiers jours sont terribles. Pendant la grande guerre, les militaires et marins expédièrent sans limitation leurs lettres avec la simple mention manuscrite « Franchise militaire » ou « F.M. », à condition qu’un cachet de leur formation, ou de la poste navale ou militaire (« Trésor et postes ») corrobore, sur chaque pli, leur droit à la franchise. Il ne faut que quelques semaines pour que la direction des Postes prenne conscience de ce chaos . Le grand réformateur de la Poste aux Armées, l’inspecteur général Alphonse Marty, joue alors un rôle crucial dans la réorganisation des acheminements, notamment avec l'ouverture d’un bureau central militaire à Paris prépondérant dans le circuit du courrier. Ensuite, par la réquisition des trains et de véhicules automobiles, la mise en place de bureaux de Poste aux armées et d’un personnel mobilisé issu de l’administration des Postes, l’acheminement s’organise. En 1915, on l’estime à 2,4 milliards de correspondances reçues et expédiées par les troupes au front. Fin 1918, un rapport militaire indique que 8 milliards d’objets de correspondance auraient circulé en franchise en France.  La Poste civile sur tout le territoire doit faire transiter des volumes inédits dans les deux sens, depuis « l’arrière » vers Paris, puis de Paris vers l’arrière, au point de jonction qu’est le Bureau central militaire (BCM) : par jour d’octobre 1914, 600 000 lettres et 40 000 paquets vont vers le front. QUINTUPLEMENT EN 6 MOIS Par jour d’avril 1915, 4 millions de lettres ordinaires, 150 000 paquets, 70 000 journaux et 15 000 mandat-carte et mandats télégraphiques transitent vers le front via le BCM à Paris et la Poste civile. À la fin de l’année 1915, le temps d’acheminement des correspondances, que ce soit une lettre, une carte postale ou un colis, se fait entre deux et cinq jours, au lieu des 15 jours, voire trois semaines au début de la guerre.

Durant le conflit, cinq millions de correspondances sont postées chaque jour vers l’arrière et plus de quatre milliards de lettres et de cartes postales seront acheminées par la Poste durant toute la durée du conflit.